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Années 1930. Les maisons d’enseignement

 

La moyenne d’âge des « Retours d’Europe » en 1928-1929 se situe entre 35 et 40 ans et certains reviennent au pays avec une jeune famille. Après un séjour de huit ans à Paris, Auguste Descarries arrive à Montréal en décembre 1929, quelques mois suivant l’ouverture de l’École Cortot au studio de la pianiste française Yvonne Hubert et du début de la crise économique, et plus d’un an après le retour de Lapierre et Champagne qui se sont rapidement installés dans le milieu musical montréalais juste avant la crise.

 

La décennie 1930-1940 se présente sous le signe du cinéma et du vedettariat étranger qui occupent de plus en plus les principales salles de concert dont les coûts de location sont devenus onéreux. Les artistes locaux trouvent refuge à la radio et dans l’enseignement privé ou institutionnel. Après avoir offert une trentaine de récitals pour des cachets fort modestes, Descarries délaisse la carrière de soliste pour se diriger vers la musique de chambre diffusée à la radio et dont les cachets sont plus intéressants.

 

Les années trente sont aussi les années de développement des écoles supérieures de musique dans les communautés religieuses féminines francophones alors que le Conservatoire national de musique dirigé par Lapierre poursuit sa vocation auprès des organistes et maîtres de chapelle. De leur côté, la Faculté de musique et le Conservatorium de l’Université McGill attirent une nombreuse clientèle.

 

Mais, contrairement à Descarries qui, à ma connaissance, n’a jamais percé le milieu anglophone, Champagne y est déjà plus familier. Il obtient une charge d’enseignement au Conservatorium, ce qui lui permet d’entrer en contact avec le nouveau doyen, Douglas Clarke, qui vient de créer un orchestre, le Montreal Orchestra. Il devient également répétiteur des chœurs pour les opéras que dirige Wilfrid Pelletier au début des années trente, lequel prendra la direction artistique de la Société des concerts symphoniques de Montréal en 1934. Enfin, Champagne enseigne l’écriture musicale à l’école supérieure d’Outremont dirigée par les sœurs des Saints Noms de Jésus et de Marie et à l’École normale de musique des sœurs de la Congrégation Notre-Dame. Puis, il est nommé surintendant de la musique dans les écoles de la CECM pour lesquels il publie des livres de solfège selon la méthode d’André Gédalge avec lequel il avait étudié à Paris.

 

Descarries obtient un poste d’enseignant du côté de l’École de musique des sœurs de Sainte-Anne à Lachine, sa ville natale, et reçoit de nombreux élèves à son studio dont un certain comédien qui confie au journaliste Rudel-Tessier, dans La Presse du 27 février 1969, qu’il voulait d’abord être pianiste : « J’ai eu d’abord une vocation de musicien, dit-il. Je suis un ancien élève d’Auguste Descarries. Vous connaissez ? » Le journaliste lui répond : « Mais oui, je l’ai bien connu. Vous avez eu un professeur prestigieux. Et qui coûtait cher ! ». Et le comédien ajoute : « Je suis allé durant des années chez lui, mais mes parents n’avaient pas les moyens de me payer des leçons à six dollars l’heure. Je travaillais, bien sûr, mais j’avais quand même du mal à réunir l’argent de ma leçon hebdomadaire […] À dix-sept ans, j’ai renoncé à la musique car ne n’avais pas les moyens d’aller au Conservatoire ». Le comédien en question était Yvon Deschamps.

 

Cette anecdote nous rappelle que les deux professeurs de piano les plus en vue à Montréal à cette époque étaient Yvonne Hubert qui représentait l’école française et Auguste Descarries qui enseignait la méthode allemande, en plus d’offrir de nombreuses conférences sur l’histoire de la musique et de publier plusieurs articles, entre autres, dans la revue La Province et La Revue moderne. Pour augmenter ses revenus, il accepte, en 1932, un poste d’organiste à l’église Saint-Germain d’Outremont, puis à l’église Saint-Viateur à partir de 1938 où les fidèles pourront apprécier ses improvisations.

 

Dans ses moments libres, il continue de composer : des œuvres pour piano, Mauresque, Aubade, Serenitas, et des œuvres vocales dans lesquelles il fait preuve d’originalité et d’innovation (pour l’époque) en les présentant sous forme de cycle, à la manière de Schumann. C’est le cas des Trois mélodies sur des poèmes de Marceline Desbordes-Valmore, « L’image dans l’eau, Où vas-tu ? et Crois-moi » interprétées pour la première fois dans leur forme originale le 13 avril 2016 par le baryton Pierre Rancourt, accompagné au piano par Réjean Coallier.




 

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